Le Commissaire P****

Louis Joseph PONCELET


Le commissaire P * * * (Voir version complète en PDF)

439. 11 y avait alors à Rochefort un marchand de vins et liqueurs du nom de P***. Natif de Neufchâteau en Ardenne, il avait tout d'abord pris du service dans un corps de dragons autrichiens. Dégoûté du métier des armes, il s'était établi à Rochefort où il avait épousé la fille de l'échevin Collard et où il exerçait concurremment avec son négoce un emploi de vérificateur des monnaies. C'était un partisan convaincu de la Révolution, et rien ne flattait plus son orgueil que la perspective de servir la République dans les fonctions de commissaire du Directoire exécutif. A force de démarches, il parvint à se faire nommer. C'est cet homme qui, durant toute la période républicaine, se fit l'exécuteur docile des ordres de l'étranger, et tint le canton sous sa verge de fer.
Il débuta en intimant aux bourgmestres ou chefs des communautés des villages " l'ordre de planter dans leurs communes l'arbre de la liberté et de célébrer l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français, en déclarant en présence du peuple qu'ils sont sincèrement attachés à la République et vouent une haine éternelle à la royauté " (22 janvier 1796).
Les bourgmestres, seuls magistrats locaux depuis la suppression des mayeurs et avant l'établissement des agents municipaux, lui adressèrent aussitôt le procès-verbal de la plantation de l'arbre de la liberté! Mais on se figure aisément le ridicule de cette première cérémonie laïque, et de tous les peupliers plantés solennellement, je ne sais s'il en reprit un seul!
Le 4 mars, P"' requit les mêmes bourgmestres " de faire une visite des taques et incontinent procéder à l'anéantissement de tous les signes de royauté qui subsistent dans les communes - ; il serait fait des visites domiciliaires et les contrevenants seraient dénoncés aux autorités et punis à la rigueur des lois ".
Quelques jours plus tard, le commissaire, monté sur un cheval noir, parcourut l'un après l'autre tous les villages; il entrait à cheval dans les églises et chapelles, brisant les fenêtres à vitres armoriées, abattant les statues de Saints à coups de perche, martelant les armoiries des pierres tombales. Il arrachait les croix, enlevait les aigles et les lions, abattait les gibets ou signes patibulaires, effrayant partout les villageois par ses blasphèmes et ses menaces.
Si l'on visite la jolie chapelle de Jamblinne, on y remarquera, plus visible que partout ailleurs, l'oeuvre du commissaire P"'. Le campagnard qui vous introduira n'a pas oublié son nom
Ah! vous dira-t-il, c'est une chose que nous ne laisserions plus faire aujourd'hui! Mais alors, le peuple laissa faire, terrorisé qu'il était par les agents républicains.

 

 

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Création : 14 février 1998 ; Dernière modification 20-Mai-2007
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